La catégorie “bis” est créée en 1935 pour les élèves français naturalisés depuis moins de huit ans. Ils doivent notamment payer leurs frais “d’hébergement”, et ne peuvent accéder à un corps de l’Etat. En application des lois
promulguées par Pétain en juillet et octobre 1940, cette catégorie est étendue à :
> ceux dont le père n’était pas de nationalité française à leur naissance
> ceux qui “reconnaissent être juifs” selon la définition du statut les concernant (3 octobre 1940, puis juin 1941).
Ce classement d’élèves “bis” est donc institué pour les élèves des promotions 38, 39 et 40 présentes à la rentrée de novembre 1940, et précisé aux candidats aux concours de 1941, 42, 43 et 44 (ce qui n’a pas eu d’effet sur ce concours de 1944, reporté au début de 1945). Ils ont à signer les déclarations ci-dessus.

Ces discriminations, qui frappent une centaine d’élèves font rarement l’objet de protestations ou de marques de sympathie de la part de leurs camarades ou de l’Administration qui applique sans ardeur mais sans réticence les décrets vichyssois. Inversement les “bis” n’ont pas souffert de brimades graves ; l’École tient à leur faire effectuer un cursus scolaire aussi proche que possible de celui des élèves “normaux”. Mais lors du retour à Paris en avril 1943, comme l’a écrit à son ministre de tutelle le gouverneur de l’École, “certaine catégorie d’élèves pourrait être une source de difficultés, l’étoile jaune devra-t-elle être portée sur l’uniforme ?”. “Difficulté” esquivée puisque les quatre élèves juifs de la promotion 41 classés “bis” bénéficient de l’envoi des cours en zone sud (où ils étaient restés) et d’examinateurs dépêchés pour leurs examens de sortie à la faculté catholique de Lyon.

D’autres examinateurs se rendent de même, en août 1943, à Lyon pour faire participer les candidats qui ont “reconnu être juifs” aux examens d’entrée. Mais quelques-uns des candidats qui auraient été reçus s’ils avaient été “normaux” n’ont pu l’être ; leur classement les place en effet en dehors du numerus clausus appliqué dès 1941 aux étudiants israélites. Ce numerus clausus est rapidement étendu à l’X avec l’accord du Secrétaire d’Etat Jean BERTHELOT (X1919S) “qui avait dit 2%, mais on peut aller à 3%”.

Quant aux demandes d’élèves “bis” tentant en vain de bénéficier des dérogations prévues dans le statut des juifs, elles sont transmises, dès sa création, au Commissariat Général aux Questions Juives (C.G.Q.J.) souverain en la matière, sans les appuyer, parfois même en s’y opposant : dans une lettre au C.G.Q.J., le gouverneur de l’École estime ainsi qu’un élève de “type sémite caractérisé au physique comme sans doute au moral […] ne peut être considéré comme une recrue de classe pour les services de l’Etat”.

Ce même gouverneur suggère au C.G.Q.J. des mesures permettant “d’éliminer des éléments indésirables” (c’est-à-dire les juifs) des corps de l’État. Mais une évolution des mentalités, traduisant celle des perspectives militaires, apparaît timidement avec ces quelques mots glissés dans une autre lettre, celle du gouverneur suivant Claudon à son ministre, qui suggère par la formule “pour le présent tout au moins” l’éventualité d’un changement de ce type de discriminations…

Les quelque 50 élèves (ou candidats au concours de 1944) qui avaient reconnu être juifs ont, presque tous, rejoint les rangs de la Résistance intérieure ou extérieure. Après la Libération ils ont, comme les autres “bis”, bénéficié de la reconnaissance de leurs droits redevenus “normaux”. Mais pour dix d’entre eux, morts pour la France, ce fut à titre posthume.